Sous influence : le chic aristocratique
cr : Antoine Marcolli
Longs jupons de vestales champêtres, feuilletages de mousseline et d'organza délicatement animés par la lumière, semis de bouquets anciens comme un herbier couture, ensembles de coton craquant animés d'effets brodés - sculptés façon stuc pâli au soleil d'un jardin à la française... Une grâce poétique imprègne la dernière collection couture de Valentino. Pier Paolo Piccioli et Maria Grazia Chiuri, le duo aux commandes de la maison depuis 2008, imposent la griffe italienne sur de nouveaux territoires. Du glamour flamboyant inventé par Valentino Garavani, le fondateur de la maison, restent quelques flammes bien domptées.
La nouvelle femme Valentino a délaissé ses fourreaux rouges pour un vestiaire plus délicat. Son allure éthérée cache une personnalité forte et complexe, et une culture kaléidoscopique. Les robes couture de l'été 2012 incarnent parfaitement cette nouvelle ère. Dans les plis fragiles de leurs longues robes de princesses, on lit en filigrane de multiples références cinématographiques. Les ladies anglaises du XVIIIe siècle immortalisées dans le Barry Lyndon de Stanley Kubrick (tourné en 1975) ont laissé un peu de leur romantisme dans ces robes mousseuses à souhait. Les fantômes de Marie-Antoinette et des fêtes tumultueuses données à la cour de Versailles, invoqués en 2006 par Sofia Coppola, planent sur ce trousseau assorti à leurs parties de campagne où la romance sucrée flirte avec le rock branché.
Ce n'est sans doute pas un hasard si les costumes des deux films sont signés (cosignés pour Barry Lyndon) par la même créatrice : la Turinoise Milena Canonera, qui a décroché deux Oscars pour son travail sur ces longs métrages. Les deux ensembles relèvent du même mélange imparable entre une culture artistique et vestimentaire encyclopédique et un sens de la narration épique. Ils illustrent également une certaine élégance aristocratique que l'on retrouve dans d'autres références qui nourrissent la collection Valentino : les créatures préraphaélites aux longs cous et à la peau diaphane, mais aussi les portraits de dames sophistiquées de John Singer Sargent.
Toutes ces muses imaginaires ont en commun une grâce innée, un goût sûr, de ceux qui ne s'achètent pas. Au XXIe siècle, il n'est plus question d'attribuer ce sens du beau à une minorité à particule. Désormais, l'aristocratie de l'élégance repose sur des fondements bien plus complexes : une somme d'affinités électives nourries par une culture commune et additionnées de micro-variations intangibles. Une chose est sûre : si ce concept du chic, à la fois plus démocratique et plus difficile à atteindre, devait s'incarner dans une robe, elle serait signée Valentino.